En 2025, la montée des tensions géopolitiques redessine les contours des risques sur les investissements transfrontaliers. Guerre prolongée en Ukraine, instabilité au Sahel, tensions Chine–États-Unis, populisme économique en Amérique du Sud. Chaque zone offre à la fois des opportunités et des pièges. Le risque politique devient central.
Les investisseurs ne se contentent plus de lire les notes des agences de notation. Ils surveillent les élections, les coups d’État, les lois fiscales et les décrets d’urgence. Le changement de cap brutal d’un gouvernement peut anéantir une rentabilité attendue depuis des années.
Définir les risques géopolitiques en 2025
Trois formes principales dominent le paysage :
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Nationalisation et expropriation :
Le Venezuela a rouvert la voie avec l’affaire Chevron. L’Argentine menace de nouveau YPF. Des entreprises minières sont ciblées en Afrique.
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Contrôle des capitaux :
L’Égypte et le Nigéria limitent les rapatriements de devises. Le Liban reste bloqué par des restrictions bancaires.
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Modification unilatérale de contrats :
La Serbie, le Pérou ou encore la Turquie changent soudainement les règles fiscales et contractuelles.
Ces risques touchent toutes les classes d’actifs : immobilier, énergie, infrastructures, dette souveraine, ou encore fintech.
Cas concrets observés en 2025 sur des risques géopolitiques
En février 2025, le Kazakhstan a imposé une taxe rétroactive sur les revenus des joint-ventures étrangères du secteur pétrolier. Shell a suspendu ses investissements dans le bassin de Kachagan. À la même période, l’Indonésie a modifié son code minier, forçant les entreprises étrangères à céder 51 % de leur capital à des partenaires locaux.
En Afrique de l’Ouest, les changements constitutionnels au Burkina Faso et au Mali ont repoussé sine die les élections, gelant les contrats d’infrastructure financés par la Banque mondiale. Des groupes comme Vinci et Bouygues ont stoppé leurs chantiers.
Stratégies d’atténuation en temps réel de risques géopolitiques
Face à cette instabilité croissante, les acteurs financiers se réorganisent.
Assurance contre les risques géopolitiques
La MIGA (filiale de la Banque mondiale) propose une couverture contre la confiscation, l’inconvertibilité ou les guerres civiles. Coface et Euler Hermes offrent des garanties similaires pour les entreprises françaises.
Clauses contractuelles renforcées
Les contrats intègrent désormais des stabilization clauses et des recours à l’arbitrage international (CIRDI, ICC). Exemple : TotalEnergies prévoit une clause de rachat automatique si l’État modifie la fiscalité au-delà d’un seuil fixé.
Montages juridiques à plusieurs niveaux
Créer une holding dans un pays tiers (Pays-Bas, Luxembourg, Émirats) permet de sécuriser les flux de dividendes et de limiter les risques de confiscation directe.
Diversification géographique et sectorielle
Les investisseurs institutionnels évitent désormais les expositions concentrées. Un fonds d’infrastructure européen typique en 2025 répartit ses actifs sur 12 pays minimum, avec une limite de 10 % par État.
Veille automatisée sur les risques géopolitiques
Des outils comme Kpler, Stratfor ou Palantir fournissent des alertes en temps réel sur les risques de sanctions, de coup d’État ou de lois en préparation. Les fonds souverains les utilisent pour arbitrer leurs placements à 48h près.
Nouveaux territoires à risque ou à éviter
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Zone rouge : Liban, Soudan, Myanmar, Afghanistan, Éthiopie, Haïti
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Zone à surveiller : Algérie (transitions politiques), Argentine (économie dollarisée mais instable), Philippines (risque populiste)
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Zone d’opportunité maîtrisable : Inde (stabilité renforcée post-élections), Maroc (cadre fiscal stable), Vietnam (contrats longs protégés)
Vers une cartographie dynamique du risque
Les grandes institutions financières construisent désormais des cartes de chaleur évolutives du risque politique. Ces outils intègrent les données de cybersurveillance, les alertes diplomatiques, les signaux faibles issus des réseaux sociaux et les décisions judiciaires locales. Par exemple, BlackRock utilise une cartographie couplée à l’intelligence artificielle pour réévaluer quotidiennement l’exposition géopolitique de ses portefeuilles.
Voir aussi: Les opportunités immobilières en pleine expansion au Pérou
Une chute du cours de la monnaie locale, une démission ministérielle, une rumeur d’interdiction sur les crypto-actifs ? L’algorithme redirige les flux vers des zones plus sûres. Cela devient essentiel pour préserver les rendements dans des environnements instables.
Le rôle croissant des juridictions internationales
L’arbitrage devient un rempart central. En 2025, près de 40 % des litiges transnationaux sont traités devant des tribunaux d’arbitrage comme le CIRDI, la LCIA ou la CCI. Les investisseurs n’attendent plus des années : ils saisissent ces institutions dès les premiers signaux de rupture contractuelle.
Exemple : une entreprise allemande expropriée par le gouvernement éthiopien a obtenu un arbitrage accéléré en moins de 11 mois, avec exécution via saisie des avoirs diplomatiques en Suisse. Les États prennent conscience que leur signature n’est plus intangible, et que les litiges peuvent désormais coûter plus cher qu’un soutien du FMI.
L’émergence des partenariats public-privé résilients
Dans les zones à risque élevé, les investisseurs privilégient les modèles de cofinancement avec des institutions multilatérales. Le principe : impliquer la Banque africaine de développement, la BEI ou l’IFC dans les montages, pour rendre les projets « politiquement trop coûteux à remettre en cause ».
En Angola, un consortium d’investisseurs européens a conditionné un prêt de 500 millions de dollars à la présence de la BEI dans la gouvernance du projet. Résultat : malgré les changements de cabinet, le contrat reste inchangé. Cette stratégie s’impose désormais comme norme dans les projets à long terme.
Extrapolation des risques géopolitiques pour les cinq prochaines années
À l’horizon 2030, plusieurs scénarios se dessinent :
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En cas d’escalade : multipolarité radicale, sanctions croisées, renationalisations. Les flux vers les marchés émergents chutent. Seuls les États « pro-occidentaux » attirent des capitaux durables.
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Scénario de résilience réglementée : le G20 impose un traité cadre sur la protection des investissements, renforçant l’arbitrage multilatéral. Cela réduit le risque dans 70 % des pays.
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Scénario techno-financier : l’intelligence artificielle prédictive, couplée aux contrats intelligents (smart contracts), limite les effets des décisions politiques. Les investisseurs se déplacent plus vite que les législations.
Les acteurs capables d’intégrer ces variables dès aujourd’hui gagneront en avantage compétitif. Les autres subiront les corrections.
Investissements stratégiques
En 2025, les investissements à l’étranger exigent une lecture politique aussi pointue que l’analyse financière. Savoir où placer son capital, mais surtout comment le protéger, devient vital. Assurances, arbitrages, montages juridiques, diversification, IA de veille : ce sont les piliers de la résilience.
Un investisseur averti ne cherche plus les rendements les plus élevés. Il cherche ceux qui survivront à la prochaine secousse politique.
Conclusion lucide et proactive
En 2025, ignorer le risque politique revient à jouer aux dés avec des milliards. Les investisseurs avisés anticipent les crises, ne les subissent pas. La clef réside dans une approche dynamique, contractuelle, assurée et multi-source. Ce n’est plus l’époque de l’aventure à l’étranger, mais celle de l’intelligence stratégique.